Quand la Chine vendangera… (4/5)
Les atouts d’un sous-continent
Néanmoins, toutes ces précisions et moderatos ne sauraient occulter l’importance des atouts dont dispose la Chine pour se bâtir une position de premier ordre dans le monde du vin, d’ici un intervalle de dix à vingt ans.
La taille est le plus évident – ne serait-ce qu’en tant que pôle de consommation, en pleine ascension économique. En ces temps de morosité européenne, 1,4 milliard d’aspirants-oenophiles ne sauraient laisser les professionnels indifférents… Du reste, la marge de progression est immense, puisque dans l’année type où le Français déguste (progressivement) 45 litres de vin, le Chinois se contente quant à lui d’une ou deux bouteilles…
Mais la diversité de climats de ce pays-continent l’habilite également à prétendre à une part tout à fait active dans le monde viticole. Depuis le Tonghua, région de climat subarctique lovée contre la frontière coréenne, jusqu’à la fournaise du Tourfan, en pays ouïghour, le vignoble chinois possède en potentiel une variété de terroirs de niveau mondial, par la température aussi bien que par l’hygrométrie. On pourrait encore citer le Gansu, sur la route de la Soie, le Ningxia, surnommé la « Napa Valley » chinoise, ou, last but not least, la région de Shihezi (au Xinjiang), considérée comme idéale compte tenu de son climat doux et peu pluvieux et de l’éloignement des industries.
Une mise en valeur sérieuse de ces eldorados paraît d’autant plus concevable que l’économie chinoise dispose à l’heure actuelle d’une capacité d’investissement à peu près sans limite à hauteur de vigne, que cette capacité s’adosse à de solides réserves de pragmatisme entrepreneurial, et que tout cela n’a a priori guère de raison de changer dans les deux décennies qui viennent. De fait, les capitaux chinois mobilisent d’ores et déjà des experts européens et australiens de premier rang pour développer leurs domaines, ce qui représente il est vrai un défi technique et humain assez exceptionnel.
Fait remarquable, la filière viticole chinoise est largement concentrée entre quelques conglomérats. Ces majors du vin chinois sont souvent couplés, de longue date, à des groupes d’alcool internationaux, selon la logique de joint-venture sino-occidentale bien connue des industriels. Les cognacs Rémy Martin jouèrent les pionniers dès 1980 avec le groupe Dynastie (Wangchao). On retrouve aussi Pernod Ricard (Beijing Dragon Seal Winery) ou encore le bordelais Castel, en partenariat avec Changyu.
Enfin, le développement de la viticulture est un objectif pour l’État central, un facteur qui reste évidemment décisif dans le contexte chinois. L’anthropologue Boris Pétric le rattache d’une part à une stratégie de rattrapage en revenu pour certaines régions peu industrielles, et d’autre part à une politique des sols dans d’autres zones en danger de désertification. Plus étonnant, ces objectifs sont aussi couplés à une stratégie de santé publique (parfaitement), le vin, alcool au titrage somme toute modéré, étant perçu dans la situation actuelle comme un dérivatif bienvenu contre les ravages du baijiu…
pas besoins il sont déjà bien implanté en France 😉